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Transfert de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem : Quel avenir pour la Palestine ?

  • Photo du rédacteur: INFO MONDE
    INFO MONDE
  • 21 mai 2018
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 mai 2018



Le 14 Mai 2018, l’ambassade des États-Unis en Israël est officiellement transférée de Tel Aviv à Jérusalem. Un acte purement symbolique puisque dans les faits il faudra attendre plusieurs années pour que l’ambassade des États-Unis soit effectivement transférée vers Jérusalem. Toutefois, cette décision des États-Unis n’est pas anodine. En prenant la décision de déménager son ambassade de Tel Aviv vers Jérusalem, la première puissance mondiale reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël. Un acte dont on imagine les conséquences, dans une région en conflit permanent depuis 70 ans maintenant et qui soulève également un certain nombre de questions. Quel regard porter sur cette décision, qui selon de nombreux observateurs, n’aurait fait l’objet d’aucune concertation ou négociation ? En prenant position en faveur d’Israël, les États-Unis perdent-ils leur rôle de médiateur du conflit qu’ils essayent de résoudre depuis plusieurs décennies déjà ? Quelles seront à court et moyen terme les conséquences du transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem pour la Palestine ? Éléments de réponse.


L’idée de déménager l’ambassade des États-Unis à Jérusalem ne date pas d’hier. Dès 1995, une loi est votée par le Congrès Américain indiquant que Jérusalem devrait être reconnue comme capitale d’Israël. Cependant, une clause dérogatoire y avait été ajoutée, donnant le droit au Président en fonction de suspendre pour six mois son application dans le cas où cela lui semblait nécessaire. Jusque-là, les administrations Clinton, W.Bush et Obama avaient toutes à leur manière plus ou moins réussi à retarder l’échéance pour préserver la paix. L’application du Jerusalem Embassy Act, c’est son nom, avait ainsi été repoussée de six mois en six mois afin d’éviter de cristalliser les tensions entre la Palestine et Israël, déjà bien présentes. Une tradition qui avait jusqu’alors été soignée et entretenue par la sphère politique américaine.


Mais tout bascule le 6 Décembre 2017 quand Donald Trump, Président des États-Unis, annonce dans une allocation reconnaître officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël. Il ajoutera dans le même temps vouloir lancer “au plus vite” les procédures de transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv vers Jérusalem. Pour justifier ses propos, le Président américain déclarera reconnaître une “simple réalité”. Israël l’attendait depuis 70 ans. Il l’a fait. Cité mythique de par sa place prépondérante dans les religions Juives, Musulmanes et Chrétiennes, Jérusalem est à l’heure actuelle revendiquée à la fois par la Palestine et par Israël qui souhaitent en faire leur capitale respective. Au coeur du conflit israélo-palestinien, la revendication de Jérusalem avait jusque-là toujours été minimisée par les puissances occidentales et en particulier par les États-Unis qui conservaient une position de médiateur du conflit. En reconnaissant officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël, les États-Unis réduisent à néant les désirs de compromis des palestiniens et sabotent les timides espoirs de paix dans une région déjà ravagée par le conflit.


Une prise de position qui sera globalement condamnée par la Communauté Internationale. Peu après les propos de Donald Trump, c’est le Conseil de Sécurité lui-même qui sera saisi par l’Uruguay, la France, l’Egypte, la Bolivie, le Sénégal, l’Italie, la Suède et le Royaume Uni. Huit pays inquiets pour la paix et la stabilité déjà compromises dans la région. Le Président Français Emmanuel Macron qualifiera de son côté cette décision de “regrettable”. En conférence de presse, il a tenu à rappeler l’attachement de la France et de l’Europe à la solution de deux États, Israël et la Palestine vivant côte à côte en paix et en sécurité dans des frontières internationalement reconnues avec Jérusalem comme capitale des deux États. À la suite de ces nombreuses réactions de la Communauté Internationale, c’est l’ONU, elle-même, qui adoptera le 21 Décembre 2017 via son Assemblée Générale une résolution condamnant la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d’Israël. Une condamnation ignorée par l’administration Trump qui estime avoir “réglé le problème”.


Les survivants au massacre, tentant de fuir les tirs de l'armée israélienne

Car si du côté d’Israël on se réjouit de cette avancée diplomatique majeure, c’en est tout autre du côté de la Palestine. Le Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, a dénoncé une décision “déplorable” estimant que Donald Trump avait choisi “d’ignorer et de contredire le consensus international”. Dans la lignée de ses déclarations, il a appelé à manifester pour l’unité nationale mais aussi et surtout contre les États-Unis qu’il accuse d’abandonner leur rôle de médiateur du conflit. Une réaction attendue mais pas suffisante pour le Hamas, branche de l’islamisme politique très présente en Palestine. Fondamentalement anti-israël, armé et très actif dans la Bande de Gaza, territoire palestinien enclavé entre Israël au Nord et à l’Est et l’Egypte au Sud, le Hamas constitue aujourd’hui l’une des principales menaces d’Israël au Proche-Orient. Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas, a appelé tous les palestiniens à manifester leur mécontentement dans un “jour de rage” contre les États-Unis. Plusieurs manifestations ont par la suite été organisées à Ramallah en Cisjordanie ainsi qu’à Gaza où des centaines de drapeaux américains et israéliens ainsi que des portraits de Donald Trump auraient été brûlés par la foule en colère.


Des manifestations qui n’ont cessé de continuer à prendre de l’ampleur depuis l’annonce du Président des États-Unis. Jusque-là relativement pacifiques, ces contestations ont pris une toute autre tournure Lundi dernier à l’annonce du transfert effectif de la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem. De violents heurts ont ainsi éclaté à Gaza pendant que les États-Unis inauguraient leur ambassade à Jérusalem. Selon de nombreux rapports, c’est plus de 35 000 personnes qui auraient manifesté contre la décision américaine, vécue par de nombreux palestiniens comme un abandon et comme une provocation. Aux jets de pierre et autres projectiles de quelques-uns, l’armée israélienne présente sur place répondra par des tirs à balle réelle. Une répression violente et sans états d’âme qui coûtera la vie à plus de 65 palestiniens, dont 8 enfants de moins de 16 ans. Un véritable massacre auquel viendront s’ajouter plus de 2400 blessés. Une bavure dont se serait bien passé Israël qui a vu son nom affilié au massacre qui était en train de se produire et dont l’évolution était retransmise sur toutes les télévisions du monde.


Plusieurs ONG spécialisées dans la défense des Droits de l’Homme se sont saisies de l’affaire, condamnant une “violation odieuse du droit international et des Droits de l’Homme”.


Une des nombreuses réactions à travers le monde à la suite des événements du Lundi 14 Mai

Le Président Français Emmanuel Macron n’a quant à lui pas tardé à réagir en condamnant fermement des actes qu’il qualifiera “d’odieux” :


"Sur ce point je suis très clair : la France a condamné ces actes odieux qui ont été commis en particulier sur la journée de lundi et en réalité encore dans les dernières heures."

Des actes qui ne sont cependant que le résultat attendu de la politique extérieure de l’administration Trump. Un regard sur la diplomatie internationale qui interroge. Car au-delà de provoquer des manifestations dramatiques et des indignations à travers le monde, c’est toute la stratégie du Président Américain qui pose question. Pourtant, et en dépit de toutes les questions que suscite la politique du déjà très controversé Président des États Unis, la décision de se positionner en faveur d’Israël sur la question de Jérusalem et même au-delà était déjà connue. Durant toute la campagne présidentielle, il avait été inscrit noir sur blanc par les équipes de campagne du candidat Républicain que Jérusalem serait reconnue comme capitale de l’État d’Israël. Simplement, personne n’en avait vraiment tenu compte, pensant que, à l’instar de ces prédécesseurs, il ne l’appliquerait jamais. C’était mal connaître Donald Trump. Il en avait fait la promesse au sulfureux magnat des casinos de Las Vegas, Sheldon Adelson, d’origine juive et très impliqué dans les affaires d’Israël. Il l’a fait. De la même manière qu’il ne se souciait guère de l’impact international de son retrait des Accords de Paris sur le climat ou encore de son soudain retrait des Accords sur le nucléaire Iranien, il y a quelques semaines.



Donald Trump est centré sur lui et sur son pays. Son fameux slogan “Make America great again” prend tout son sens. Cette prise de position aux conséquences diplomatiques immenses n’est pour lui qu’une simple décision de politique intérieure. Pour lui, décevoir ses alliés ainsi que les leaders du monde arabe est moins important que de satisfaire les organisations évangéliques et pro-israéliennes américaines. Plusieurs rapports affirment que Sheldon Adelson, évoqué plus haut, aurait donné 20 milliards de dollars au candidat Républicain pendant la campagne présidentielle dans le cadre du financement de son appareil politique. Ce dernier lui avait promis de déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem. C’est désormais chose faite.


Pourtant, les conséquences à la fois diplomatiques et géopolitiques d’un tel positionnement dépassent de loin les affaires personnelles du Président Américain. En reconnaissant Jérusalem comme la capitale d’Israël, Donald Trump agite les extrêmes des deux bords. Cette décision ne va probablement contribuer qu’à provoquer une escalade des tensions entre les différentes mouvances extrémistes anti-Israël et pro-Israël. Certains parlent même d’une nouvelle Intifada. Il n’est pas exclu d’observer une recrudescence des actions du Hamas et des forces djihadistes présentes dans la région au cours des prochaines semaines voire des prochaines années si aucune solution n’est trouvée. Autre conséquence possible, moins évidente cette fois : une exacerbation du conflit Iran/Arabie Saoudite. Ces deux pays, en conflit indirect pour le leadership économique, culturel et religieux de la région vont sans doute être amenés à entretenir des tensions encore plus fortes. L’Iran étant attaché à la division de Jérusalem ne pourrait ne pas tolérer le retrait de l’Arabie Saoudite sur la question. Plus globalement, c’est le processus de paix tout entier entre Israël et la Palestine, qui sont en conflit ouvert depuis 70 ans maintenant qui est menacé, voire anéanti par les déclarations de Donald Trump. En résolvant ce conflit par la victoire nette et sans bavure d’Israël, le Président Américain abandonne à son sort tout un peuple qui va probablement continuer à endurer cette “apartheid légale” dont il est victime au quotidien. Enfin, les relations diplomatiques entretenues entre les ÉtatsUnis et certains pays arabes ainsi que certains pays européens, concernés par le sort réservé aux palestiniens, pourraient être dégradées.


Le sort des palestiniens pourrait toutefois être amené à évoluer. Peut-être pas au cours des prochaines semaines mais au moins dans le moyen et long terme. Car si ces événements ont montré un peuple palestinien assujetti et prisonnier de son geôlier israélien, ils ont aussi mit en lumière une nouvelle mouvance, une nouvelle jeunesse, qui constituait le gros des mobilisations du 14 Mai. Cette jeunesse, tournée vers des idées libertaires et émancipatrices a montré un tout autre visage que celui que le Hamas voulait bien lui faire porter jusqu’alors. Le visage d’une jeunesse qui ne cherchait, au final, qu’à exercer ses droits humains les plus fondamentaux. Un visage qui n’a pas manqué d’émouvoir tous ceux qui ont pu suivre, de près ou de loin, les événements du 14 Mai. Dans les rues, sur les réseaux sociaux, partout, on a commencé à apercevoir des soutiens, à les voir se multiplier. Un souffle d’optimisme, une brise d’espoir qui reste néanmoins à nuancer. La situation est encore difficile et il faudra du temps pour ce peuple au destin manifestement si particulier pour s’émanciper et obtenir, une bonne fois pour toute, la liberté tant souhaitée.


L’avenir seul désormais pourra nous dire quelle tournure ce conflit finira par prendre. Un conflit qui, rappelons le une nouvelle fois, entame cette année sa 70ème année d’existence.


CRÉDITS PHOTOS :

Photo de couverture : Ouest-France

Première photo : Le Parisien

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