Le monde s'affole-t-il ? Les défis, menaces et enjeux qui planent sur la société humaine
- INFO MONDE
- 4 févr. 2020
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 févr. 2020

Le cadre dans lequel nous vivons est en train de changer de façon extrêmement rapide et brutale. De nombreux bouleversements sont attendus pour les années à venir. Le changement climatique, l’explosion démographique ou encore les chocs civilisationnels viennent compléter une liste déjà bien remplie de défis, menaces et enjeux qui planent sur l’équilibre de la société humaine. L’ambition du présent article est de proposer un répertoire de ces nouveaux paramètres, d’en saisir le sens et les implications et d’analyser les différentes perspectives qui y sont associées.
Le changement climatique
C’est l’un des grands défis de notre époque. Le réchauffement climatique devrait avoir des répercussions économiques, stratégiques, politiques et structurelles majeures. Il se définit comme l’augmentation de la température moyenne de l’atmosphère à l’échelle mondiale. Un phénomène qui devrait se manifester à travers quatre symptômes concrets : la montée des températures, l’élévation des océans, l’augmentation des catastrophes météorologiques et l’acidification des océans. La quasi-unanimité des scientifiques, notamment le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), attribuent ce réchauffement à l’activité humaine. La faute notamment à l’usage excessif des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) et à la déforestation. La conjonction de ces paramètres pourrait, en plus des conséquences évoquées plus haut, provoquer de graves perturbations géopolitiques comme les guerres de l’eau ou les flux incontrôlés de réfugiés climatiques. La course aux matières premières pourrait aussi s’embraser et déboucher sur des conflits majeurs. Pour éviter la catastrophe, les experts du GIEC ont estimé qu’il faudra limiter la hausse de la température moyenne à 1,5°C d’ici 2050. Une résolution qui passe par une réduction des émissions de CO2 de 45% d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050. Pour atteindre cet objectif, un ralentissement puis un arrêt de la déforestation semblent essentiels. La transition énergétique doit également être accélérée car sa part dans le mix énergétique mondial (bilan de toutes les énergies primaires utilisées) progresse peu. Elle était de 14% en 2018, contre 13% en 1971. Enfin, le retour d’un pouvoir politique global - et multilatéral - capable de prendre en commun des décisions significatives semble être un élément indispensable à la réalisation de ces objectifs.

Le terrorisme
Le terrorisme est certainement le sujet stratégique le plus souvent traité dans les médias. Il est présenté comme étant la principale menace pesant sur la sécurité des pays occidentaux. En Juin 2014, l’État Islamique était fondé et créait un état terroriste de plus de 200 000 km2, à cheval sur les territoires syrien et irakien. Pour la première fois, un groupe terroriste se dotait d’une assise territoriale. La France, la Belgique, l’Espagne, le Royaume-Uni et les États-Unis notamment seront durement touchés par de multiples attentats, la plupart revendiqués par l’État Islamique. Les attaques contre Charlie Hebdo en Janvier 2015, au Bataclan en Novembre de la même année ou encore à Bruxelles un an plus tard viennent illustrer la terreur que souhaite imposer l’ensemble des organisations terroristes à l’occident. Des pays non occidentaux peuvent également être la cible de cette terreur, bien que cette problématique y occupe une place moins importante dans le débat public. La Turquie, la Tunisie, la Russie, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Nigeria, l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan, l’Inde, le Pakistan ou encore la Somalie ont eux aussi été dramatiquement atteints. Seulement, si cette nouvelle menace suscite un tel effroi dans les pays occidentaux, c’est parce qu’elle vient incarner une faille sécuritaire incompréhensible. Le fait qu’un attentat puisse survenir en tout endroit et à tout moment suscite d’importantes angoisses. Il peut éventuellement frapper les citoyens de tout pays dans leur quotidien : transports, écoles, magasins. Le terrorisme brise la distinction combattant/non-combattant et fait du monde entier un champ de bataille. Aussi doit-il être combattu. Pour lutter contre le terrorisme, certains régimes peuvent-être tentés d’employer des moyens répressifs. Or, si l’on doit lutter efficacement contre le terrorisme, il convient de réfléchir à ses causes en se gardant bien de prendre des décisions qui auraient pour résultat d’en aggraver le mal.
Le choc des civilisations
Le monde occidental, dominant mais en déclin, va se confronter au monde musulman, dominé mais en expansion. C’est en tout cas ce qu’annonce la thèse de l’universitaire américain Samuel Huntington, publiée en 1993 dans la revue Foreign Affairs. Selon lui, la fin de la Guerre Froide au début des années 1990 ne débouchera pas sur la fin de l’Histoire et donc des conflits prédite par Francis Fukuyama, mais bien sur une mutation de ces derniers. Après les guerres entre monarques, puis entre nations et enfin entre idéologies (nazisme, communisme, capitalisme) les affrontements devraient désormais concerner les civilisations. Une thèse qui raisonne sensiblement avec l’actualité. La problématique des relations entre le monde occidental et le monde musulman a en effet pris une importance fondamentale. Les tensions au Proche-Orient, qui pouvaient dans les années 1970 être jugées comme un conflit régional parmi tant d’autres, occupent désormais une place stratégique centrale. L’escalade récente entre l’Iran et les États-Unis couplée à la persistance du terrorisme international viennent renforcer cette théorie. On peut néanmoins reprocher à S. Huntington son caractère trop déterministe. L’histoire n’est pas écrite et les civilisation ne vont pas automatiquement s’affronter. Mais l’autre erreur consiste à nier cette hypothèse, tout en menant des politiques qui pourraient y conduire. Le choc des civilisations n’est ni inéluctable ni inévitable. Il est certain que l’existence d’un fossé entre le monde occidental et le monde musulman est l’un des principaux défis actuels. Ce fossé pourra être réduit ou élargi selon les politiques qui seront menées de part et d’autre.
L’explosion démographique
Selon les projections de l’ONU, la population mondiale devrait atteindre les 10 milliards d’individus en 2050 et se stabiliser autour de 11,2 milliards vers 2100. Un certain nombre d’éléments viennent expliquer ce phénomène. La transition démographique est l’un d’eux : les pays les plus développés ont achevé la leur alors que les pays les moins développés sont encore à la phase de baisse de la natalité. Ainsi, si la population stagne, voire vieillit au Japon ou en Allemagne, elle connaît un véritable boom en Inde et en Afrique Subsaharienne. L’Inde devrait devenir le pays le plus peuplé de la planète en 2030 et l’Afrique, qui représente 16% de la population contemporaine actuelle pourrait atteindre 4,5 milliards d’individus d’ici à 2100. Ce profond déséquilibre entre les transitions pourrait donner lieu à d’importants bouleversements. Certains de ces espaces de croissance ne pourront pas supporter la population projetée et donneront ainsi lieu à des mouvements d’émigration massifs qui pourraient venir déstabiliser les sociétés déjà établies. La question alimentaire devrait également devenir de plus en plus aiguë. Comment nourrir 10 milliards d’individus en 2050 quand 820 millions de personnes demeurent sous-alimentées aujourd’hui ? Plusieurs solutions sont envisagées pour répondre à cette nouvelle problématique. À commencer par l’hypothèse libérale-productiviste qui au gré des évolutions technologiques pourrait augmenter la production et ainsi répondre à une demande toujours plus élevée. Un système néanmoins destructeur des espaces et très coûteux en énergie qui irait à contresens des engagements pour la lutte contre le changement climatique. D’autres procédés comme la permaculture ou le retour au local pourraient être envisagés, même si leurs rendements sont encore assez limités. Un faisceau de moyens devra être mis en oeuvre conjuguant écologie, modération de la consommation, développement technologique et connaissance des milieux pour répondre à l’immense défi posé par l’explosion démographique.

Les NTIC
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) bouleversent la relation entre le citoyen et le pouvoir. Elles suscitent cependant des réactions mitigées, car si certains y voient un intérêt démocratique incontestable, d’autres sont plus mesurés et appellent à la prudence. L’accès à une connaissance plus dense et à une information plus complète est un atout indéniable de ces technologies. L’information n’est plus réservée à une élite mais peut désormais être accessible à un plus grand nombre de citoyens. Certaines données confidentielles comme des e-mails, des télégrammes diplomatiques ou des documents juridiques peuvent maintenant être rendues publiques. Les actions de WikiLeaks, la divulgation des Panama Papers ou encore les révélations d’Edward Snowden en sont les exemples les plus éloquents. Cette révolution de l’accès à l’information est aussi devenue une arme politique majeure. Les Printemps Arabes ou le mouvement des Gilets Jaunes en France n’auraient probablement pas eu les même impacts sans ces nouvelles technologies. Plusieurs éléments viennent cependant nuancer la positivité apparente de ces nouveaux outils. À commencer par le contrôle de nos données. Le suivi individualisé de chaque citoyen consommateur par des organismes privés peut être vu comme une ingérence inacceptable dans nos vies privées. La puissance de certains mastodontes du secteur est également vue comme un danger. Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), par le contrôle des données et leurs moyens financiers, bénéficient d’un réel poids stratégique et pourraient poser problème à plusieurs égards. Enfin, le contrôle des données peut aisément se muer en surveillance et ainsi donner lieu à toutes sortes de dérives totalitaires. Certains pays comme la Chine l’ont déjà mis à profit. Les NTIC apparaissent à la fois comme un formidable moyen de liberté d’information et de communication mais peuvent aussi mener à de dangereuses dérives. Elles joueront un rôle croissant à l’avenir, pour le meilleur ou pour le pire.
La prolifération nucléaire
La peur de la prolifération des armes nucléaires est apparue dès 1945 avec les premières utilisations de l’arme suprême lors des bombardements des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Aussitôt, les Nations Unies appellent au désarmement général et complet. Une résolution qui ne sera manifestement pas entendue par l’URSS, le Royaume-Uni, la France et la Chine qui se doteront de l’arme dans les années qui suivent. En 1968, le traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) est signé : ceux qui n’ont pas l’arme nucléaire renoncent à l’obtenir. Seulement, trois États n’ont pas signé le TNP puis se sont par la suite dotés de l’arme atomique, à savoir Israël, l’Inde et le Pakistan. Ils viennent ainsi s’ajouter à la liste des possesseurs de l’arme. Pour veiller à la préservation de la sécurité internationale, un certain nombre de traités viendront peu à peu s’ajouter au traité de non prolifération. Le traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), le New Strategic Arms Reduction Treaty ou bien les Accords de Vienne sur le nucléaire iranien peuvent être cités. Seulement voilà, la quasi totalité de ces accords sont aujourd’hui remis en question ou dénoncés. Le Président Trump s’est notamment retiré du FNI et des Accords de Vienne. Une décision unilatérale qui porte un coup sérieux à la non-prolifération dans le monde. Depuis, l’Iran aurait recommencé à enrichir ses réserves d’uranium, élément nécessaire au combustible d’une bombe nucléaire. Les récentes tensions entre les deux pays ne sont pas non plus des plus rassurantes. La versatilité de la Corée du Nord, détentrice elle aussi de l’arme nucléaire est également à prendre très au sérieux. D’autant que le Sommet de Singapour (2018) entre le leader nord-coréen Kim Jong-un et Donald Trump ne semble aujourd’hui pas tenir toutes ses promesses. Aujourd'hui, le monde n'est plus simplement confronté militairement au face-à-face bipolaire entre l'Amérique et l'Union Soviétique. La menace recouvre désormais un champ très large et une reprise des négociations semble inévitable pour retrouver l’apaisement.
Les guerres des années 2020
La prochaine décennie ne devrait pas être épargnée par la conflictualité. La conjonction des tensions déjà existantes et des nouveaux enjeux internationaux pourrait donner lieu à un certain nombre de nouveaux conflits. Les oppositions actuelles, d’abord, pourraient s’enliser. La lutte contre l’État Islamique n’est pas terminée et la mort de son calife autoproclamé, Abou Bakr al-Baghdadi, ne signifie pas que le terrorisme a été vaincu. De nombreuses milices islamistes aux allégeances variables sont toujours en mouvement au Proche-Orient et au Sahel. Si rien n’est fait, il est également possible de voir s’éterniser les affrontements en Syrie, au Yémen, au Soudan ou encore au Congo. Certaines tensions pourraient aussi changer de dimension et éclater en conflit armé. On pense aux antagonismes dans le golfe persique entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, aux désaccords entre l’Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire ou encore à l’opposition récente entre les États-Unis et l’Iran. Ces conflits - s’ils avaient lieu - auraient des conséquences régionales considérables et bouleverseraient sensiblement l’échiquier international. La concurrence entre Pékin et Washington pourrait aussi prendre de l’ampleur. Alors que les deux pays sont aujourd’hui aux coudes à coudes, il n’est pas exclu de les voir s’affronter dans les années à venir tant leurs différences sont profondes. Un géopolitologue américain, Graham Allison a même théorisé l’affrontement entre l’Amérique et la Chine dans son ouvrage : Destined for war. Il se base sur le piège de Thucydide, une théorie selon laquelle une puissance, dominante mais en déclin, tendrait à faire la guerre pour empêcher qu’une autre puissance, dominée mais en expansion, ne la remplace. On peut cependant espérer que la dissuasion (ou la raison) l’emporte et limite ce conflit potentiel à un bras-de-fer économique, comme c’est le cas actuellement.

Crédit photos :
Photo de couverture : Sud Ouest
Première photo : Europe 1
Deuxième photo : France TV
Troisième photo : Le JDD
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