Russie : Les élections présidentielles jouées d’avance ?
- INFO MONDE
- 18 mars 2018
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Dernière mise à jour : 25 mai 2018

Le Dimanche 18 Mars 2018 sonnera le premier tour des élections présidentielles en Russie. Des élections qui n’auront pas manqué de marquer les observateurs du monde entier de par leur dimension rocambolesque et a priori sans suspense. Aussi, entre élections a priori jouées d’avance et volonté relative de changement du peuple russe, quels sont les véritables enjeux de cette campagne ? Éléments de réponse.
Vladimir Poutine, homme politique emblématique russe, au pouvoir depuis près de 18 ans maintenant, que ce soit en tant que chef de l’état ou bien en tant que chef du gouvernement, s’apprête à accéder à son quatrième mandat à la tête de la Fédération de Russie. Aussi et bien qu’un brin de résistance fut ressenti en tout début de campagne en la personne d’Alexeï Navalny, il semble qu’aujourd’hui, à l’issue de la campagne présidentielle, il se soit, à l’image de son principal porte-étendard, tout simplement envolé.
Considéré par beaucoup comme étant le seul véritable opposant politique à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny entretiendra son opposition au fil des années en dénonçant la corruption au sein des sphères de décision russes. En 2011, il qualifiera le parti de Vladimir Poutine, “La Russie Unie”, de :
Parti des escrocs et des voleurs
Aujourd’hui affilié à des idées plutôt proches de l’extrême droite et du nationalisme russe, de par ses positions sur l’immigration, il incarnera l’opposition principale à la réélection de Vladimir Poutine pendant la campagne présidentielle. Aussi et au-delà de ses positions politiques, c’est surtout en vertu de ses positions clairement anti-corruption que le candidat se démarquera au fil du temps et s’imposera comme LA véritable opposition à Vladimir Poutine.
Si au tout début de la campagne, Alexeï Navalny semblait bien parti pour proposer une opposition solide à l’indétrônable Vladimir Poutine, notamment soutenu par la jeunesse qui voyait en lui une véritable alternative au pouvoir actuel, c’était sans compter les nombreuses accusations et procès en cours à son encontre. En effet, la Commission Électorale Russe rejettera le 25 Décembre 2017, purement et simplement la candidature d’Alexeï Navalny à la Présidentielle. Cette dernière invoquant ses trop nombreuses condamnations en justice.
Aussi et en dépit des différentes contestations fournies par l’ex-candidat, qui dénoncera une volonté du Kremlin (le pouvoir politique en Russie) de l’éliminer politiquement avant le scrutin avec des “affaires fabriquées”, toujours selon ses dires, c’est toute l’opposition à Vladimir Poutine qui s’envolera fin Décembre, libérant la voie à ce dernier vers l’autoroute du pouvoir. Car oui, ce qui reste de l’opposition, à savoir Pavel Groudinine, Vladimir Jirinovski, Sergueï Babourine, Grigori Lavlinski, Boris Titov, Ksenia Sobtchak ou bien encore Maxime Saouraïkine, ne pèse plus très lourd dans les sondages.

Un gouffre dans les sondages qui ne manquera pas de faire réagir les observateurs du monde entier, qui finiront par dénoncer une manoeuvre du Kremlin pour écarter tout gêneur potentiel à l’accès au pouvoir de Vladimir Poutine, pour une quatrième fois. En effet, beaucoup pensent que cette élection n’est qu’une mise en scène politique, n’ayant pour but que de laisser entrevoir un semblant de démocratie dans un pays pourtant profondément en retard sur la question.
Le très sérieux organisme "Transparency International" classe la Russie comme étant le 45ème pays le plus corrompu au monde. À titre indicatif, la France de son côté, s'en sort plutôt bien en figurant tout en bas de la liste, à la 157ème place.
Ces derniers mois, les accusations en ce sens se firent conséquentes et un grand nombre d’observateurs accusèrent la candidate Ksenia Sobtchak de faire figuration dans le débat. Il en va de même pour le candidat communiste Pavel Groudinine qui, à la toute fin de la campagne dû faire face à de nombreuses accusations de possession d’un compte bancaire en Suisse. Des accusations, à quelques jours du scrutin, qui soulevèrent un soupçon d’implication du Kremlin. Ce dernier, étant purement et simplement accusé d’avoir fabriqué ces accusations, histoire de faire tomber le peu de candidats restant, un peu à la manière de l’épisode Alexeï Navalny.
Toutefois, il est intéressant de se demander si les accusations d’instrumentalisation sont réellement les seules raisons qui, Dimanche, vont assurer à Vladimir Poutine son quatrième mandat à la tête de la Fédération de Russie. Car la réponse est non.
Bien que connu pour museler ses opposants, le Kremlin n’a néanmoins pas eu recours qu’à cela pour s’assurer sa réélection. En effet, les médias russes sont aujourd’hui considérés comme étant très orientés : l’objectivité, habituellement requise en période électorale dans de nombreux pays, dont la France, y est complètement absente. Aujourd’hui en Russie, allumer la télévision ou la radio, c’est se condamner à entendre Vladimir Poutine de façon continuelle.
Et puis bien sûr, malgré tout, Vladimir Poutine est populaire en Russie. Même si de nombreuses difficultés, notamment économiques, subsistent encore : le pays sort tout juste de récession, le taux de mortalité reste élevé et le niveau de vie, toujours plus faible que les pays occidentaux, des points positifs sont à noter.
D’abord on a un taux de chômage qui a presque baissé de moitié entre 2000 et 2018, pour passer de 10% à 6%. Ces taux ne sont pas négligeables, surtout quand on sait qu’une bonne partie des pays occidentaux ont du mal à inverser leur courbe. Autre statistique intéressante, sociale cette fois, le taux de suicide dans le pays, qui restait tristement élevé depuis la chute de l’URSS a chuté de façon drastique. Alors qu’en 2000, c’est 35 habitants pour 100 000 qui mettaient fin à leurs jours, en 2016 ce n’est “plus que” 17 habitants pour 100 000 qui avaient recours au suicide en Russie. Dernier point, alors que la démographie était en baisse depuis la chute de l’Union Soviétique, cette dernière semble repartir depuis quelques années, ce qui reste quelque chose de positif pour le pays.
Toutefois, il faut savoir que s’il y a bien quelque chose de commun à tous les russes, c’est l’angoisse de l’après Poutine. Car oui, la plupart des russes qui se rendront aujourd’hui dans l’isoloir ont vécu sous l’URSS et ont peur de se retrouver dans les immenses angoisses qui furent celles de ces décennies d’Union Soviétique. Beaucoup restent affectés par cette chute de l’économie, par la destruction de l’URSS et il faut bien l’avouer, Vladimir Poutine, de par son charisme politique et ses implications à l’international, incarnait jusque là la renaissance de la Russie pour de nombreux Russes. Anne Nivat, grand reporter et reporter de guerre française ira même jusqu’à dire :
Les russes ont peur de l’après Poutine
Mais malgré tout, ces élections sont elles véritablement démocratiques ? Le scrutin sera-t-il juste au soir du 18 Mars 2018 ? C’est en tout cas tout le contraire de ce que pensent nombre d’observateurs et/où opposants à Vladimir Poutine, dont un certain...Alexeï Navalny, qui désormais loin de cette campagne, continue de mener son combat. En effet, conscient que les élections apparaissent désormais comme jouées d’avance, Alexeï Navalny s’emploie aujourd’hui et ce depuis les dernières semaines de la campagne, à appeler le peuple au boycott.
Selon lui, l’abstention pourrait bien être la seule inconnue, désormais, à pouvoir faire pencher la balance. Aussi, bien qu’il semblerait que tous les doutes sur la capacité de Vladimir Poutine à s’asseoir, le 19 Mars 2018, dans son fauteuil présidentiel, se soient dissipés en même temps que l’opposition, ceux concernant la stabilité politique de son futur mandat restent néanmoins bien présents.
En effet, bien que le peuple et notamment la jeunesse, peu intéressée par cette campagne de par son aspect insignifiant du fait du manque de suspense, semble ne l’avoir suivie que de loin, il n’empêche que, à l’instar du reste de la jeunesse du monde, elle ne soit insensible aux dynamiques démocratiques et libertaires qui fleurissent aujourd’hui aux quatre coins du monde. Et ça, Alexeï Navalny en est bien conscient.
Ainsi, l’avenir seul désormais pourra nous dire quelles conséquences cette campagne aura, dans un pays où, en dépit de la réélection de l’indétrônable Vladimir Poutine, la stabilité politique semble aujourd’hui de plus en plus incertaine pour les années à venir.
Crédits photos :
Photo de couverture : Le Soir
Graphique : Sputnik France
Deuxième photo : Sputnik France
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