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Facebookgate : Ce qu’il faut retenir du scandale qui ébranle le géant du web

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    INFO MONDE
  • 2 avr. 2018
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 mai 2018



Depuis plusieurs semaines, le nom du célèbre réseau social américain revient avec insistance dans l’actualité nationale et internationale. On le sait tous, Facebook possède nos données et les revend à des sociétés privées : c’est comme ça que le groupe se finance. Pourtant, la gravité du scandale qui a éclaté dernièrement aux États-Unis n’est en rien comparable. Non contente de vendre nos données à des sociétés qui pourraient s’en servir pour leurs affaires, cette fois l’entreprise va beaucoup plus loin. Elle est accusée d’avoir vendu les données de plusieurs millions d’utilisateurs à l’entreprise Cambridge Analytica, qui en aurait fait usage à des fins politiques. Un acte d’une gravité inédite qui soulève de nombreuses questions aux États-Unis comme en Europe. Peut-on avoir confiance en Facebook ? Comment nos données sont-elles utilisées ? Et surtout, dans quelle mesure peut-on tolérer l’utilisation de données personnelles à des fins politiques ? Éléments de réponse.


Avant d’aller plus loin dans les faits, il est nécessaire de comprendre ce qu’est Cambridge Analytica. Cette entreprise de communication stratégique est une société privée basée au Royaume-Uni experte dans l’exploration et l’analyse de données pour des entités privées. Peu à peu, elle a fini par se spécialiser dans la création de profils d’électeurs au service d’équipes de campagnes politiques. Quand on s’intéresse au passif de Cambridge Analytica on comprend à quel point elle peut être omniprésente dans la sphère politique. La société aurait en effet été citée dans au moins deux des évènements politiques les plus marquants des dernières années : le référendum sur le Brexit et les Élections Présidentielles Américaines. Au sujet du Brexit, l’ancien directeur de la société, Christopher Wylie, affirmera dans un entretien accordé à Libération que :


La Société Cambridge Analytica a joué un rôle “crucial” dans le vote en faveur du Brexit

On comprend avec cette déclaration que les activités de la société britannique sont tout sauf anodines. Des activités qui vont prendre une tournure saisissante quand mi-mars, les liens avec Facebook vont éclater au grand jour.


Tout commence le Samedi 17 Mars lorsque Facebook annonce dans un communiqué avoir suspendu la société Cambridge Analytica avec qui le groupe opérait plusieurs contrats. La raison de cette suspension ? L’entreprise est purement et simplement accusée d’avoir récupéré des informations personnelles de milliers d’utilisateurs et ce sans leur autorisation. En sachant cela, on peut se demander comment la société britannique a fait pour recueillir ces informations. Et c’est là que Facebook entre en scène. Le réseau social est en effet connu pour héberger un certain nombre d’applications qui, pour fonctionner, demandent un accès à vos données personnelles. Jusque-là tout paraît légal. En effet, lorsque vous commencez à faire usage de ce genre d’application, cette dernière vous demande votre accord quant à l’utilisation qu’elle pourrait faire de vos données. Le scandale commence avec un certain nombre d’applications de ce genre qui, non contentes d’avoir accès à vos données, ont également accès aux données de vos “amis” Facebook.



À chaque fois que vous vous connectez à une application via Facebook, ce genre de message apparaît. Le développeur de l’application vous demande si vous lui autorisez l’accès à vos données personnelles. En général vous acceptez sans vraiment vous méfier de ce qui pourrait être fait avec vos données. Et c’est bien là que le scandale liant Cambridge Analytica et Facebook commence.


Le Vendredi 16 Mars, Facebook explique dans une déclaration que Cambridge Analytica aurait reçu les données d’Aleksandr Kogan, conférencier à l’université de Cambridge. Kogan aurait créé une application : Thisisyourdigitalife proposant des questionnaires de personnalité et se présentant comme un outil de recherche pour les psychologues. Pour accéder à l’application il était néanmoins nécessaire de se connecter via son profil Facebook. Une opération qui comme expliqué plus haut, donne accès au développeur à toutes les données de l’utilisateur incluant : géolocalisation, profil, mentions j’aime, et surtout “amis”. Selon de nombreux rapports, c’est plus de 270 000 membres du réseau social qui auraient utilisé cette application. Un chiffre qui peut paraître faible quand on ne prend pas en considération le fait que tous les “amis” de ces 270 000 membres ont également été touchés. Une information portant le nombre d’utilisateurs dont les données auraient été récupérées par Cambridge Analytica à 50 millions.


Un nombre impressionnant qui incrimine Facebook. En effet, le réseau social s’est rendu responsable de l’accès aux données de plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs qui n’avaient pas consenti à le faire. Aussi, que Facebook eut été au courant des manoeuvres de la société britannique ou non, une question se pose. Le système de protection des données de Facebook est-il fiable ? Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à se poser la question. L’impression que la vie privée n’est pas vraiment respectée par Facebook commence à faire son chemin dans l’esprit de beaucoup d’utilisateurs du réseau social. Si bien que certains voient ce scandale comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. En effet, ce n’est pas la première fois que la sureté des données publiées sur Facebook suscite le débat au sein de la communauté des utilisateurs. Le réseau social a toujours été vu comme se servant de l’abondance des données en sa possession pour servir son empire. Toutefois et en dépit de tout ce qui se sait sur la plateforme, rien jusqu’alors n’avait eu autant de conséquences concrètes que lors de ce scandale.


Car oui, la différence, cette fois-ci, est que le scandale a probablement eu un impact concret sur la vie de millions d’Américains. Et c’est bien là que la gravité du scandale peut être mise en avant. Les données normalement tenues par Facebook qui ont été récupérées par Cambridge Analytica ont peut-être servi à des fins politiques. Chose qui redéfinit radicalement les conséquences de ce scandale et rend plus qu’incertaine la position de Facebook dans cette affaire. Comme évoqué plus haut, Cambridge Analytica est spécialisée dans la création de profils d’électeurs pour des équipes de campagnes politiques. Rien de grave jusqu’ici. Mais tout prend sens quand on se penche sur les équipes politiques soutenues par la société britannique. En particulier lors des Élections Présidentielles Américaines. Car après avoir servi pour le bureau de campagne de Ted Cruz, lors des Primaires du Parti Républicain, la société s’est vue rattachée à la campagne de Donald Trump. Elle est alors accusée d’avoir fourni toutes ces données à l’équipe de campagne du candidat Républicain. Données qui auraient pu être utiles au futur Président des États-Unis puisqu'elles permettent un ciblage stratégique des électeurs via des publicités. Et ce grâce à toutes les données recueillies sur Facebook.


Une dimension politique qui pose question. Car si la complicité de Facebook et Cambridge Analytica n’est pour l’instant pas élucidée, les faits sont là. On a une technologie au service du marketing politique. Aspect qui peut donner aux accusations portées à l’entreprise de Mark Zuckerberg une dimension bien plus grave. Car Facebook, c’est à l’évidence une histoire d’influence. Avec ses centaines de millions d’utilisateurs rien qu’aux États-Unis, le géant du web a un pouvoir d’influence qui dépasse l’entendement. Au gré de ce scandale, et quand on apprend comment a été utilisée cette influence, on se dit que c’est là tout le problème : Facebook aurait dû être responsable de son influence. Si aujourd’hui, le groupe se trouve embourbé dans ce scandale, c’est en partie pour toutes ces accusations. Accusations qui pour l’heure fragilisent considérablement le groupe qui, depuis le début du scandale, peine à reprendre le cap. Et ce ne sont pas les dernières déclarations du PDG du groupe, Mark Zuckerberg, qui aideront à penser le contraire :


C’est un abus de confiance majeur, et je suis désolé que cela se soit produit

À l’heure où est rédigé cet article, les conséquences de ce scandale pour le géant de Menlo Park sont sérieuses. Depuis le début de la crise, le cours de la bourse de Facebook a chuté de 15%. Dit comme ça on a du mal à se faire une idée. Mais 15% du cours de la bourse de Facebook, ça représente près de 80 milliards de dollars partis en fumée. Une véritable catastrophe pour le géant Américain qui en plus de crouler sous les déboires financiers doit désormais affronter la réalité des évènements. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, tout le monde demande des comptes au géant du web. La commission européenne a annoncé Mardi exiger des réponses des dirigeants de Facebook concernant son implication dans le scandale et les conséquences directes de ce dernier sur ses utilisateurs. Le Président du Parlement Européen, Antonio Tajani, a invité Mark Zuckerberg a venir s’exprimer en face des eurodéputés. Le Congrès Américain, de son côté, a proposé à Mark Zuckerberg, à l’image de Antonio Tajani, de venir s’expliquer devant le Sénat et la Chambre des Représentants. Une audition qui interviendrai, toujours, dans le contexte des évènements liant la compagnie à Cambridge Analytica. Tout un programme, donc, pour le patron de Facebook qui décidément, semble avoir entamé une véritable traversée du désert depuis le 17 Mars.




Le cours de la bourse du géant américain. En chute libre depuis le début de l'affaire le liant avec la société Cambridge Analytica.





Pour couronner le tout, l’image de Facebook en a également pris pour son grade. Déjà en perte de vitesse avant même le début du scandale, le réseau social semble aujourd’hui avancer à l’aveugle. Une grande campagne anti-Facebook s’est d’ailleurs manifestée ces derniers jours sur les autres réseaux. Un hashtag #DeleteFacebook a été lancé sur Twitter, principal concurrent du géant californien. Relayé par de nombreuses personnalités, il a atteint à ce jour des millions de “retweet” à travers le monde. À l’heure actuelle, ils sont déjà nombreux à avoir rejoint le mouvement. Le cofondateur de WhatsApp, Brian Acton (qui a vendu son application à Facebook en 2014) écrira : “Il est temps”, suivi du fameux #DeleteFacebook. Une initiative qui sera suivie par de nombreuses personnalités à l’image de Mark Hoppus, chanteur du groupe Blink 182, ou encore d’Elon Musk, célèbre fondateur de Tesla et Space X. L’entrepreneur ira même bien plus loin, puisqu’au-delà de supprimer simplement son profil personnel, il ira jusqu’à supprimer les pages professionnelles de ses deux entreprises. Un acte assez révélateur.


Aujourd’hui, Facebook peine à se réinventer. Le réseau social qui a vu le jour au début des années 2000 et qui, alors, apparaissait comme une véritable incarnation du progrès semble aujourd’hui bien loin. L’avenir seul désormais pourra nous dire si le géant de Menlo Park parviendra à se sortir de cette crise et surtout à redevenir le précurseur qui se devait d’être.



Crédits photos :

Photo de couverture : RFI

Deuxième photo : Le Figaro

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